Ligne, figure et signe : Colette Banaigs et Françoise Delecroix

14 décembre 2011 > 15 janvier 2012

Avec Colette Banaigs et Françoise Delecroix

Concurrencée dans la figuration du monde extérieur, la peinture renonce à l’art de l’illusion, s’essaie alors à une représentation fondée sur une « harmonie parfaite entre l’idée et la forme » (selon Hegel), par l’inspiration créatrice de l’artiste, faite d’intelligence et de sensualité fine.

Ramenée à sa surface plane, elle est uniquement signe, couleur. Pour donner sens, elle repose sur les pouvoirs évocateurs de la poésie et de la musique qui mobilisent l’imagination et, par leur contour imprécis, soulèvent une gamme plus vaste d’émotions et de suggestions. Moins une surface colorée, le tableau est une machine à vivre puisque rythmée par un temps propre à l’artiste.

Entre l’évident et le dérobé, différents chemins sont empruntés. Des alchimies d’images inédites, de nouvelles expérimentations ont pour visée unique : vêtir l’idée d’une forme sensible et tracer des images qui interrogent.

En art, notre arme est la sensualité, la sensualité définie comme forme de connaissance du monde. (Roberto Matta)

En quête de l’irrationnel, Colette Banaigs se réfère à un automatisme psychologique aux accents surréalistes pour nous entraîner dans le monde des songes. Le charme – la singularité –  tient aux rapprochements insolites (pour créer les meilleurs chocs poétiques), à l’insaisissable interprétation, à l’étrangeté de la composition (mélangeant figuration et abstraction) et aux proportions des divers détails entre eux. Des signes lisibles, corps et objets, sous une apparence gratuite et arbitraire, recèlent une promesse de sens. Être allusif pour solliciter. « Les figures transitoires » de Colette Banaigs s’en remettent à notre imagination, excitent nos rêves, suscitent nos réflexions.

Avec le zèle d’une abeille, je récolte dans la nature les formes et les perspectives. (Paul Klee)

C’est le mouvement, par le truchement de la ligne qui prédomine l’œuvre de Françoise Delecroix et qui en est le sujet. Les moyens traditionnels d’investigation de la logique et de la sensation sont, ici,  renoués. La genèse et l’évolution de la création sont exprimées par les mouvements et les formes linéaires, par le rayonnement interne de ces formes, les divers centres de celles-ci entrelacées, combinées de diverses manières. Par l’action des lignes, la figure semble planée, échappée à la pesanteur, bouleverse l’espace. Signes aériens, en suspension, synthétisés par le fond de couleur uni, procurent au tableau sa profondeur de champ et son mystère. Françoise Delecroix dématérialise le corps humain – forme objet – par une synthèse de l’animation interne et du mouvement libre ouverte à toutes les alternatives, aux sensations et aux sentiments.

La création vivante doit se détacher de la théorie. Chaque œuvre peinte est une réalité personnelle. Colette Banaigs et Françoise Delecroix incitent le spectateur à bousculer sa façon de voir, à rester en éveil, à rester ouvert.

Colette Banaigs, "L'intrus", 2005, ©Adagp, Paris 2011
Françoise Delecroix, "N°8 gd bleu", 2011