Janice Niepce, Sabine Weiss : Objectifs femmes

14 janvier > 15 mars 2009

Avec Janice Niepce et Sabine Weiss

Voir par procuration pour le photographe suggère un travail en solitaire. Aucune passivité dans ce métier qui exige à la fois un engagement dans le temps et des compétences techniques (nécessaires car l’appareil photographique est le prolongement de l’intuition). Avec une inlassable curiosité, l’œil alerte, le photographe est à l’affût de ces instants  décisifs, seul à entendre le déclic entre lui et le sujet. Comme un témoin, placé là où il faut, quand il le faut, il fixe l’insaisissable dans sa spontanéité et son originalité. École d’attention, d’instinct, d’anticipation, de concentration, la photographie semblerait une prérogative masculine.

Fixer les moments intenses d’émotion, de beauté, d’insolite, conserver l’éphémère…

Janine Niepce (1921-2007) et Sabine Weiss (1924) ont la passion de ces images instantanées jusqu’à en faire leur métier. Peut-être, par attrait pour l’aventure suscitée par le métier mais surtout par engouement pour des possibilités expressives de la photographie qui se révèle comme un langage  en attente d’être dynamisé par un regard individuel.

Évoluant dans un univers alors exclusivement masculin, Janine Niepce et Sabine Weiss ont œuvré avec opiniâtreté pour mener à bien leur rêve de femme française moderne : réaliser des « chroniques visuelles » de l’histoire contemporaine, de la vie, sans faillir à leur rôle d’épouse et de mère.

« Ce qui est difficile, c’est de photographier ce qui est proche de soi, des scènes de la vie quotidienne » (Janine Niepce), « L’amour des gens, c’est beau. C’est grave, il y a une profondeur terrible » (Sabine Weiss).

À l’instar de leurs contemporains, Henri Cartier-Bresson, Willy Ronis, Édouard Boubat, Robert Doisneau, elles ont privilégié le rôle humain du photographe en plaçant l’homme au cœur de leur propos. Mais ces deux femmes photographes se démarquent par une différence d’approche, de sensibilité et de choix du sujet. Un assemblage subtil d’humanisme, de politique et d’intimité.

Janine Niepce, première femme reporter-photographe française, a utilisé son regard aiguisé pour retracer les bouleversements sociaux qui ont marqué la deuxième moitié du XXème siècle : la vie rurale en voie de disparition, la période insouciante des « Trente Glorieuses », Mai 68… Mais c’est en témoin attentif et engagé que Janine Niepce couvre l’évolution de la condition féminine faisant d’elle le photographe de l’histoire des femmes en France. Exigence du cadrage et rigueur de la composition, chez Janine Niepce, soulignent sa finesse d’observation, son art du détail révélateur.

Photographe de l’émotion, Sabine Weiss a beaucoup observé l’enfance, source inépuisable de scènes drôles, tendres et toujours émouvantes. Pour chercher l’expression, le regard, le geste inoubliable dans sa spontanéité et dans sa simplicité, elle se fait complice des enfants dans  leurs rires et leurs jeux, proche de son sujet pour entrevoir l’âme car une photographie est toujours le récit d’une relation. Les portraits d’enfants de Sabine Weiss livrent une observation respectueuse, attendrissante, maternelle.

Dans un balancement incessant entre montrer et suggérer, entre réalité et expression, leur talent photographique, combiné à l’intelligence, à l’esprit et à la ténacité, a forcé le respect de leurs confrères.

La centaine de photographies en noir et blanc, ici exposées, nous invite à glisser notre regard dans l’objectif de Janine Niepce et Sabine Weiss.

Janine Niepce, "Une petite fille est née dans une rose" , Paris, 1967 © Janine Niepce
Sabine Weiss, "Rapho, Egypte", 1983 © Sabine Weiss/Rapho